Chroniques

par laurent bergnach

création française de Yes de Rebecca Saunders
Donatienne Michel-Dansac, Musikfabrik, Enno Poppe

Festival d’Automne à Paris / Église Saint-Eustache
- 28 septembre 2017
création française de Yes de Rebecca Saunders par l'Ensemble Musikfabrik
© franck ferville

Dédiée à la mémoire du mécène Pierre Bergé, la quarante-sixième édition du Festival d’Automne à Paris propose son premier rendez-vous musical, en amont de retrouvailles avec Ferneyhough, Rihm ou Sciarrino. La Londonienne Rebecca Saunders (née en 1967) y est à l’honneur, avec une performance spatialisée dont elle est coutumière : hier, la création française de Stirrings Still plaçait cinq instrumentistes tout du long de l’Église Saint-Vincent (Lyon) [lire notre chronique du 29 mars 2014] ; Yes, aujourd’hui, investit Saint-Eustache, trois semaines après sa création à la Kammermusiksaal de la Philharmonie de Berlin, dans le cadre de la Musikfest. Pour ce faire, la compositrice étudia chaque recoin de ces deux bâtiments aux acoustiques si opposées.

Musique dont l’énergie raffinée s’impose comme une immense sculpture sonore tour à tour compacte ou transparente, Yes compte vingt-cinq modules variés répartis dans l’espace résonnant – « presque tous représentent un état immuable, d’une obstination épuisante, continu et toujours identique ». Deux pianistes dialoguent en permanence, d’un bout à l’autre de la nef (Benjamin Kobler, Ulrich Löffler), tandis que d’autres membres de l’Ensemble Musikfabrik, en perpétuel déplacement dans l’église, sont mis en avant de façon singulière, plus ou moins affranchis de la conduite d’Enno Poppe.

Bien sûr, il faut évoquer la contrebasse à l’orée de l’œuvre (Florentin Ginot), les trompettes célestes jouant au pied des tuyaux d’orgue, dont on apprécie l’expressivité intemporelle (Marco Blaauw, Nathan Plante), puis ce passage qui rassemble flûte basse (Helen Bledsoe) et accordéon (Krassimir Sterev) – instrument à anches libres déjà au cœur de Triptycon [lire notre chronique du 13 novembre 2004]. Enfin, dans ce jeu de vibrations animant le flux sonrore, les percussionnistes (Dirk Rothbrust, Rie Watanabe) ne doivent pas être oubliés, qui font tinter diverses sortes de métal, peu avant un final éthéré.

Le mot « yes » constitue le leitmotiv ambigu et complexe du dernier chapitre d’Ulysses (1922), l’incontournable ouvrage de James Joyce, connu comme Le monologue de Molly. Après une journée de déambulation dans Dublin, Leopold Bloom se couche bien après minuit et, se faisant, réveille son épouse. Dès lors, celle-ci est envahie de pensées multiples, souvenirs de la journée et de son enfance, d’une demande en mariage et d’aventures sensuelles. La vocalise discrète, le susurrement dominent les interventions du soprano Donatienne Michel-Dansac, illustrant une conscience dévoilée à la nuit, dans le dos des hommes.

LB